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Entretien avec Samuel Ricciuti, cofondateur du label Chez Kito Kat Records

On aime les artistes sur Trip-Hop.net, mais aussi les labels indépendants qui oeuvrent à défendre la musique de qualité hors logique commerciale, avec ce coup de projecteur sur le label lorrain Chez Kito Kat, dont nous avons salué quelques sorties récentes (S.H.I.Z.U.K.A, Komparce). Fondé il y a quelques années par Salima Bouaraour et Samuel Ricciuti, rejoints par Christophe Biache peu de temps après, le label est désormais géré entre deux continents, entre Bâton Rouge en Louisiane pour l'Amérique du Nord, et Gorze en territoire mosellan d'origine pour l'Europe. C'est lors de la dernière release party organisée par le label en juin dernier à Metz que Samuel a partagé l'histoire Kito Kat, racontée dans les loges des Trinitaires où se cotoyaient, dans une ambiance familiale, artistes du label et musiciens invités. Une vision alternative, rafraîchissante et artisanale qui promeut jeunes talents et promet encore et toujours de belles découvertes.

Trip-Hop.net : Chez Kito Kat Records est un label indé, local... Comment est née l'aventure ?

Je suis de Rombas, près de Metz. On vient de la même ville avec Salima, ma compagne, on a monté le label tous les deux et Christophe s'est joint à nous par la suite. Je faisais de la recherche, un master et une thèse sur les labels indépendants, et donc il s'agissait un peu d'une mise en pratique ; on me reprochait dans mes recherches de ne pas être assez objectif, parce que je prenais le parti des labels indépendants, alors que je devais les analyser... Et puis, il y a aussi une histoire paternelle : mon père collectionnait les disques, les classait par label aussi... Je viens d'une famille de musiciens, il y a un héritage ! J'ai toujours eu des vinyles à la maison que je collectionnais aussi ; à 15 ans pour draguer les meufs, je montrais mes disques ! (rires) Pascal (ndr : Samuel désigne Millimetrik, beatmaker canadien produit sur le label et passant dans les loges) fait la même chose... Et en plus il travaille dans un magasin de disques !



On a sorti un tout premier disque en 2005 : c'était un de mes albums en fait, qu'on a construit à la maison, avec du découpage... Puis fort de cette expérience, et puisqu'on aimait le fait-maison, on s'est dit : "pourquoi pas monter notre label ?". Et en 2005/2006, on a commencé à organiser des concerts à Metz avec Salima... Ca tombe bien que Pascal soit là, car son groupe Below The Sea doit être le troisième ou quatrième live qu'on a organisé... Puis de fil en aiguille, on a organisé une vingtaine, trentaine de concerts et maintenant cela fait six ans... Au départ, le label, c'était vraiment pour le côté auto-production ; par la suite, après le troisième disque sorti, on a commencé à produire des copains, puis des gens que l'on connaissait un petit peu moins, et maintenant, c'est au coup de coeur musical...

Trip-Hop.net : C'est ce côté autoproduction qui attire les artistes ?

Il y a quand même une bonne démarche indépendante dans tout cela, un tri se fait tout de suite au niveau des groupes. On n'a pas une démarche professionnelle du tout ; les groupes qui veulent vivre de leur musique, vendre beaucoup de disques et faire le tour du monde, savent très bien que ce n'est pas avec nous qu'il faut s'embarquer. Notre démarche est avant tout artistique, on y est par passion, même si on se dit parfois qu'il faudrait que ça rapporte un peu...
Les groupes qui sont chez nous ont la même vision que nous, sinon on ne peut pas s'entendre... Ils savent qu'ils bénéficient d'un certain ancrage historique, notamment du label auprès de la presse. Ils peuvent compter sur nous pour la communication, et nous on compte sur eux pour le côté artistique : il y a une complémentarité entre le groupe et le label.

Trip-Hop.net : Et visiblement, le label se porte bien, vu qu'il y a pas mal de sorties...

En fait, on a eu une année 2013 un peu compliquée, on a sorti moins de disques ; on a relancé les sorties en 2014, que ce soit sur les groupes déjà bien actifs, mais aussi de nouveaux groupes qui arrivent, comme ARTABAN à l'automne dernier ou NO DRUM NO MOOG qui viennent juste de nous rejoindre. Par la force des choses, il y a de plus en plus de projets et là, tu arrives sur une soirée où, au mois de juin, on sort trois disques en même temps, ce qui n'était par arrivé depuis trois ou quatre ans !



Oui, cette année, très forte actualité. Le 30 juin nous sortons le nouvel EP de DR GEO, The Lo Fi Studies Vol 2, entre temps un nouveau maxi sur notre label DIGITAL KITO KAT... Et à la rentrée, pas mal de choses, le nouvel album de MR BIOS - Christophe, qui gère aussi le label et fait partie de KOMPARCE avec moi -, celui de KUSTON BEATER, les premiers albums de BINARY & DISLEXIC, du canadien ARBEE (Ambiant) et du luxembourgeois CYCLORAMA (Shoegaze), ainsi que d'autres choses en confirmation.

Trip-Hop.net : Aujourd'hui, quel est le rôle d'un label comme Chez Kito Kat pour des artistes qui ont la possibilité de diffuser leur musique par eux-mêmes ? Quelle est votre valeur ajoutée ?

Tu prends un groupe comme NO DRUM NO MOOG : ils avaient produit leur premier disque et déjà tourné, mais ils viennent vers nous car ils savent qu'il y a une certaine base de communication, un certain savoir-faire, un côté artisanal, nos disques sont faits à la main ! Il y a toute une démarche créative, il y a les réseaux, le fait de faire partie d'une sorte de famille : aujourd'hui, c'est soirée Kito Kat Records, six artistes du label se produisent ici aux Trinitaires... (Samuel s'interrompt pour saluer un musicien puis continue) Je te présente Max, qui intervient sur beaucoup de nos disques  ; il joue maintenant avec Chapelier Fou et apparaît sur l'album de DR GEO qui sort à la fin du mois. Tu vois, les artistes qui rejoignent le label savent qu'ils vont pouvoir bénéficier aussi de ce réseau là, des musiciens qui jouent, se mélangent sur tous les disques...

Trip-Hop.net : Le home made, l'artisanat, ça correspond à une vraie attente du public ?

En fait, c'est plus un caprice personnel (rires). Comme je te l'ai dit, je faisais mes recherches sur les labels indépendants, j'étudiais plutôt les labels autogérés, indé, qui fabriquaient des objets en petite série... Chaque objet est unique, il y a une démarche de non reproduction de l'oeuvre ; chaque disque de notre catalogue sera différent !

Trip-Hop.net : C'est faire appel à l'âme du collectionneur ?

Oui voilà, ce sont de très petites quantités... Et nous sommes déjà des collectionneurs de disques au départ ; on ne se voyait pas faire du digipack, même si certains artistes en demandent. Mais comme ce n'est pas vraiment notre démarche, on sait que sur le long terme, ça ne va pas forcément coller...

Trip-Hop.net : Ca t'inspire quoi le retour du vinyle ?

Pour moi, il n'y a pas de retour du vinyle, puisque ça fait vingt ans que j'en achète ! Il y a toujours eu du vinyle pour moi ! On a un disquaire à Metz, la Face Cachée, qui a toujours existé et vendu du vinyle, surtout dans le milieu électronique et hip hop, peut-être un peu moins dans le rock... Je n'ai jamais acheté de CD !
Après, c'est bien que le grand public recommence à s'intéresser au vinyle parce que tu as un son différent, un objet différent, ça te permet de créer différemment les visus...

Trip-Hop.net : Diversifier les supports de diffusion, c'est la solution ?

Il y a beaucoup plus de streaming maintenant, donc on est obligé de s'adapter à cela. En fait, on fabrique tous nos disques à perte, on ne les remboursera jamais, ni aucun investissement d'ailleurs : ça relève donc vraiment du caprice de sortir un disque maintenant, parce qu'on l'aime ! On travaille tous à côté, on met notre argent dans les disques. En même temps, et c'est cool, on sait pourquoi on le fait : on se fait plaisir !

Trip-Hop.net : Quels sont vos recettes pour élargir votre audience ?

Pour chaque sortie de disque, je fais presser des CD promos qui s'ajoutent au pressage de CD ou vinyles originaux. J'ai une base d'une centaine de magazines, presse, webzines, fanzines, blogs en France et un peu partout dans le monde ; je cible donc les envois promos en fonction du style des sorties. Et c'est toujours cool de voir les retours sur une sortie, ça diversifie les publications, le public. 
Par ailleurs, on essaie d'organiser pour chaque sortie de disque une release party avec les gens du label. Sinon j'ai toujours le petit processus de diffusion sur bandamp, soundcloud, les réseaux sociaux, les newsletters, la communication web...
Bref, en gros, le boulot d'un "directeur de com" d'un label, qui s'adapte aux nouveaux moyens de diffusion. C'est vraiment une partie du job que j'affectionne le plus, faire parler de nos artistes, nos publications, les faire découvrir au public, recevoir leurs réactions, celles de la presse spé, etc... 

Trip-Hop.net : Le live, l'étape indispensable pour les artistes s'il veulent vivre de leur musique ?

Pour nous, c'est important d'organiser à chaque sortie de disque une release party afin de présenter l'artiste et l'album. Il faut savoir que le label ne fait absolument pas de booking, c'est aux artistes de se charger de cette part là. Il y a dix ou quinze ans, les labels s'en occupaient ou bossaient avec les agences de booking. Nous, on a pris le parti de ne sortir que du disque. Ces release parties sont donc très importantes : il y en a tous les deux ou trois mois, réunissant les artistes du label, ce sont vraiment des soirées thématiques. On en a fait à Metz, Luxembourg, au Canada aussi. On tient à ce live !

Trip-Hop.net : Quels artistes, en dehors du label, recommanderais-tu aux lecteurs de Trip-Hop.net ? Un coup de coeur perso...

On a tous des labels un peu clé qu'on suit depuis longtemps, de Chicago, Berlin ou des Pays Bas... On écoute beaucoup d'électronique en ce moment, beaucoup de house... Tu parlais du renouveau du vinyle, pour moi, c'est beaucoup plus un renouveau des musiques électroniques, idm, house qui amène ce renouveau du vinyle... Il y avait des musiques qui avaient quasiment disparu, analogiques et house analogique, et qui réapparaissent. J'ai envie de te citer des labels amstellodamois, genre Fieds Records, et plus généralement tout ce qui se fait sur la scène des Pays-Bas en ce moment...
Et il y a un artiste de Montréal que je suis depuis presque 15 ans : Sixtoo (ndr : aka Vaughn Robert Squire), qui a sorti pas mal d'albums sur Ninja Tune et collaboré aussi avec Pascal... Il a un nouveau projet qui s'appelle Prison Garde et j'ai écouté son disque hier : une vraie claque derrière les oreilles ! J'ai voulu l'acheter tout de suite, et c'est de plus en plus rare... C'est un projet assez fou car il joue tout en live en fait, il branche toutes ses machines en boucle, il n'y a pas de laptop et ce n'est que du hardware...

Trip-Hop.net : Est-ce que nous, médias sur le net, avons encore un rôle à jouer ? Est-ce qu'on est encore utile ?

Vous êtes plus qu'utiles ! Je me mets aussi à la place de l'auditeur : j'ai découvert une plateforme de téléchargement qui s'appelle soulseek, où tu peux retrouver tout le catalogue de Kito Kat, qui est là parce qu'il y a des personnes qui n'ont pas les moyens d'acheter notre musique... Et je passe mon temps à télécharger sur Soulseek tout un tas de musique que je découvre sur des petits blogs ou des gros webzines - un peu moins maintenant la presse papier à part deux ou trois références anglo -, des sites comme Trip-Hop.net ou Indie Rock Mag. En tant que label, ça permet la diffusion, d'amener du public... J'en parlais encore hier avec Antony (S.H.I.Z.U.K.A) qui me disait avoir vendu un disque en Angleterre ; tu vois le lien d'accès sur bandcamp et le type qui a acheté est passé par votre site. Vous ramenez de l'écoute et ça, c'est vachement important...

Propos recueillis par : Lacar.
 
 
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