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L'interview de Tiago, fondateur de Cooler Than Cucumbers

A l'occasion de la réédition du "Foreshore Reverie" de Murmur Breeze en vinyl nous avons réussi à attraper Tiago Duarte, fondateur de Cooler Than Cucumbers, qui nous en apprend plus sur le quotidien d'un label français aujourd'hui, et sur les concombres de manière plus générale.

Trip-Hop.net : En mode interrogatoire: décline ton identité

ASV : Tiago, 24 ans, Homme, Paris. Jeune homme sensible au coeur crémeux et plus qu'un brun un brin mélomane.

Trip-Hop.net : Cooler Than Cucumbers, c'est qui et c'est quoi ?

Cooler Than Cucumbers c'est un label qui a démarré du jour au lendemain. L'idée a développé ses premières racines après une discussion avec Rob R-Rock du label Secret Life of Sound. A l'époque (2009) je commençais à avoir de plus en plus de contact avec les artistes de la scène alt-rap que je suivais et je commençais à me projeter une image de l'envers du décor, de l'impossibilité pour certains de sortir un album dans de bonnes conditions : manque de structures, de risques pris pour les nouveaux et du coup un milieu qui se fermait petit à petit sur lui même. L'idée était d'ouvrir cette scène et de permettre à ces artistes admirés de sortir un album dans de bonnes conditions. Voilà pour le pitch.

Le tout a été graphiquement orchestré par la main gracieuse d'Albane, graphiste émérite de l'underground hip-hop, que j'avais pu rencontrer à plusieurs reprises lors des soirées parisiennes Submass (vecteurs d'une grosse partie de la scène actuelle avec HipHopCore). Complémentaires sur nos goûts d'une même scène et expansifs sur les bords, on ratisse large. La preuve la plus formelle de cet éclectisme est bien évidemment la compilation sortie l'année dernière "Salade de Concombres Vol.1" réunissant pas moins de 34 artistes de la scène indépendante de tous horizons.

Cooler Than Cucumbers c'est aussi Rémy Bourgoin qui s'occupe du site web, Pierre Margueritte photographe et vidéo maker (responsable de la Saga CTC !) et une petite nouvelle, Julie qui rejoint les rangs pour une position encore secrète.

Notre spécialité ce sont les éditions limitées, les vinyls, les tapes, et encore d'autres formats. On essaye de toujours pousser plus loin l'idée du packaging de qualité, et par ailleurs, gros effort à venir sur une de nos prochaines sorties : Ceschi - "Forgotten Forever".

Trip-Hop.net : Est-ce que tu le prends mal quand quelqu'un te dit qu'il aime pas les concombres ? Comment le concombre est devenu ta référence sur une échelle de fraîcheur ?

Absolument pas, au contraire ! Au risque de briser un mythe, je ne suis pas moi-même fan de concombres, du moins au naturel; je le préfère fièrement dissimulé dans une sauce blanche onctueuse et fraîche que dans une salade. Mes concombres sont plutôt musicaux.

Pour l'histoire, le nom vient d'une expression anglaise "I'm cool as a cucumber" que Giovanni Marks (aka Subtitle) ne cessait de répéter lors de ses innombrables digressions entre chaque morceau. Je me suis approprié l'expression et l'ai tournée dans tous les sens pour obtenir ce que vous connaissez aujourd'hui. Je voulais un nom qui sorte de l'ordinaire et qui ait une consonance humoristique. Il me suffisait de passer la main à Albane pour une opération graphique rondement menée. On avait aussi pensé aux icebergs.

Trip-Hop.net : Pourquoi Cooler than Cucumbers et pas "Plus frais que des concombres" ?

Pour le côté international, interracial. Toucher un univers de fans grand comme le ciel. On a hésité à le traduire en espéranto mais on a senti l'arnaque.

Trip-Hop.net : Qui d'autre (selon toi) essaye de faire avancer la scène alt rap en france ?

Ils sont nombreux (de façon relative) et présents dans les multiples régions de France. Ils sont ceux qui permettent à des artistes des écuries indie-rap comme Fake Four, Milled Pavement d'obtenir des concerts un peu partout. Même si pas toujours dans les meilleures conditions, puisqu'il y a clairement un manque de following de la scène alt-rap ces dernières années, l'aide et le support sont là. Il existe aussi de nombreux micro / mini labels français qui font vivre une petite scène comme Dezordr Records, LZO pour ne citer qu'eux et tout un tas d'associations comme Submass qui bookent des shows.

Les exemples d'alt-rap les plus réussis en France ces deux dernières années sont les albums d'Audioclockers, Motionless, La Caution, et les divers essais du feu collectif Soul Sodium (Iris, Arm, etc).

Trip-Hop.net : Y a t il une scène alt rap française ou est-ce limité à des gens qui font vivre en France la scène alt rap étrangère ?

Il semblerait que les deux cohabitent par ici. Motionless et Audioclockers ont par exemple décidé d'inviter de nombreux MCs de l'alt-rap international tout en produisant un univers sonore convaincant pour les épauler. Concernant Soul Sodium, c'est un collectif de producteurs et MC français qui formaient à l'époque ce qui me plaisait le plus dans l'alt-rap français. N'oublions pas La Caution et consorts. Aujourd'hui, de nombreux producteurs français collaborent à l'international, comme AbSUrd (chez nous et nos amis de Decorative Stamp) qui a produit pour Ceschi, James P Honey, des MCs japonais, etc. Il n'est pas le seul, aujourd'hui la scène des producteurs français est celle qui porte le plus d'espoir.

Trip-Hop.net : C'est gros comment un label comme CTC ? Quel est le tirage moyen des disques ?

C'est gros comme un micro-label. La moyenne de nos tirages est de 300 exemplaires. Pas facile de tout écouler, aujourd'hui l'alt-rap se vend assez mal. Et de manière globale, et sans tomber dans les clichés, il est évident qu'avec l'accès à tout sur internet, les gens achètent moins de disques. C'est pour cette raison que toutes nos sorties sont packagées de manière originale, on essaye de présenter l'objet de façon différente. Pour obtenir ces résultats, on passe par le handmade, les éditions limitées, etc. Par exemple, nous sortons en juin le prochain LP de Ceschi, qui est une collection de morceaux sans toits, de nouveaux morceaux, des inédits. C'est une édition limitée à 100 exemplaires et les morceaux ne seront disponibles nulle part ailleurs. Ajouté à ça, chaque cover est peinte / dessinée / brodée par 10 artistes différents, de France, des USA et d'ailleurs.

Trip-Hop.net : Y-a-t-il un client type des disques CTC ?

En général quelqu'un d'assez ouvert d'esprit pour pouvoir supporter notre catalogue très divers. On s'est rendu compte avec la compilation gratuite ("Salade de Concombres Vol. 1") qu'il y avait des clients pour ce genre de musique et qu'ils venaient de tous horizons. On a eu droit à pas mal de posts sur des blogs de rock, de noise, de punk, des genres pas forcément représentés chez nous.

Pour une vraie réponse, le client type est mélomane, juste assez pour se plonger dans nos disques et se laisser emporter dans les mondes qu'on ouvre aux autres.

Trip-Hop.net : Y-a-t-il des fans comme il peut y en avoir pour les artistes ? Est-ce que tu reçois des messages du type "je mangerai plus que des concombres tout le reste de ma vie" ?

Ha ha, non pas tout à fait. Mais il y a effectivement des fans du label qui suivent la moindre de nos sorties. C'est plaisant d'avoir une sorte de "following" d'inconditionnels. Certes, ils se comptent sur quelques doigts de quelques mains, mais ils sont là et illuminent nos journées de leur passion enflammée. Je ne les remercierai jamais assez. Au delà de notre propre plaisir, c'est à eux que l'on pense à chaque sortie. On veut faire partager nos découvertes en espérant susciter chez d'autres l'émotion ressentie chez nous.

Trip-Hop.net : Est-ce qu'on conclut plus facilement avec les nanas quand on gère un label ?

Question légitime. J'ai jamais essayé (officiellement) et disons que je pense que peu de personnes peuvent se représenter ce que ça implique de gérer un label. Je n'ai pas l'habitude de mettre cet élément en avant à la rencontre de nouvelles âmes mais beaucoup me posent tout un tas de questions lorsqu'ils l'apprennent. Et force est de constater que la majorité ne savent pas ce que représente l'étiquette "gérant d'un label".

Trip-Hop.net : On voit souvent passer des camemberts avec la faible part d'argent qui va aux artistes et qui véhiculent l'idée que les maisons de disques se gavent sur le dos de leurs artistes. Comment ça se passe dans l'indé ?

Pour nous, le principal est de récupérer la mise de départ sur la production d'un disque. Chaque artiste qui fait une sortie chez nous reçoit une bonne partie des galettes produites pour sa consommation perso. Il nous est difficile de faire mieux sans nous endetter !

Trip-Hop.net : Comment tu (vous) choisis (choisissez) les artistes CTC ? Est-ce que tu es souvent sollicité par des artistes qui voudraient que tu sortes leur musique ? Et si oui, quelle est la part de trucs chouettes dans ce que tu reçois ?

J'ai eu la chance de pouvoir sortir des disques d'artistes dont j'ai longtemps été fan. Lorsque j'ai entendu les productions d'AbSUrd pour la première fois (Murmur Breeze - Bird Irony), j'en suis littéralement tombé amoureux et ne pouvais pas passer une journée, et ce sur une très longue période, sans en écouter une partie. Naturellement, je me suis dirigé vers lui pour notre première sortie.

Il en va de même avec tous les artistes de la compilation, nous n'avons pris aucune soumission pour cette dernière, Albane et moi avons demandé à tous ces artistes dont nous sommes fans / proches de participer en envoyant un morceau, qu'il soit inédit ou non.

J'écoute Ceschi depuis presque 8 ans maintenant et sortir un de ses albums est un immense honneur. Je me revois adolescent écoutant Fake Flowers et n'imaginant pas une seconde, qu'un jour, je pourrai sortir un de ses albums.

On reçoit quelques soumissions et demandes de sorties de projets vraiment intéressantes, parfois les dates ne collent pas, parfois il y a des mésententes et parfois, ça marche. Notre prochaine sortie est une de ces soumissions (d'un groupe déjà affilié au label) mais qui est venu nous voir pour leur nouvelle sortie. Melodica Deathship, ça vous parle ?

Trip-Hop.net : Quel temps ça prend de gérer un projet comme ça ? T'as le temps de t'occuper de ton jardin ?

Ca prend un temps fou, gérer un label est une activité chronophage de première ! Envolées les soirées, à peaufiner des mails de promos, la montagne de correspondance avec les artistes, gérer la production des nouvelles sorties, les à côtés comme notre saga vidéo, etc. Mais quand on aime on ne compte pas, c'est évident. J'ai toujours le temps de m'occuper de mon élevage de dinosaures et de boire des bières, cela dit.

Trip-Hop.net : Pourquoi le choix du vinyl comme support exclusif ?

J'achète très peu de CD et beaucoup de vinyls. Je refuse d'acheter du digital et d'en vendre par la même occasion. Le choix est vite fait, considérant aussi que le vinyl reste un objet de collection au grain sonore encore inégalé, comme une photo argentique. C'est aussi une certaine nostalgie, une certaine époque et une sorte de "base" des courants hip-hop.

C'est aussi un très bel objet.

Pourquoi se priver ?

Vinyl is the new mp3.

Trip-Hop.net : En tant que responsable d'un label, c'est quoi ta position sur le téléchargement illégal ?

Je suis pour, entièrement pour. Téléchargez, téléchargez, découvrez et faîtes vivre tous ces albums oubliés, partagez-les, mangez-les, mordez-les. Quel n'a pas été mon plaisir de découvrir nos sorties sur des sites de téléchargements illégaux. Une sorte d'accomplissement.

Par contre, nous ne mettrons jamais à disposition les fichiers nous-mêmes, ça fait partie du jeu. Ah !

Trip-Hop.net : On est dans un roman de Roald Dahl, tu manges un yaourt magique qui te donne le pouvoir de signer 3 artistes de ton choix sans contraintes d'aucune forme, tu signes qui ?

El-P, Wolf People, The Weeknd.

Mais sinon, Portishead.

Trip-Hop.net : On est dans Total Recall, tu peux te faire implanter dans le cerveau le souvenir que tu as signé 3 albums de ton choix dans le passé, tu te fais implanter lesquels ?

Demon Fuzz - Afreaka
Gravediggaz - 6 Feet Deep
La Caution - Arc-en-ciel pour Daltoniens

Mais sinon, tout Portishead.

Trip-Hop.net : On est dans Last Action Hero (je t'assure que je bloque pas sur Schwarzeneger), tu peux aller dans n'importe quel film te la jouer comme n'importe quel personnage. Tu vas dans quel film et tu fais quoi ?

L'Alchimiste dans La Montagne Sacrée.
Choi-Min Sik dans le plan séquence magistral du couloir d'Old Boy
Al Pacino dans L'Impasse

Trip-Hop.net : Au fait, on les trouve où les disques CTC ?

On les trouve chez nous, déjà, puis chez Access, HHV, Wenod, Rough Trade, Yellow Dog, Discogs et quelques shops ici et là ! Checkez aussi les sites persos de nos artistes qui ont de bien belles choses à vendre.

Trip-Hop.net : C'est ta section, c'est cadeau, tu peux dire du bien ou du mal de qui tu veux. A toi...

De l'amour pour tous nos admirateurs. The crew. The non-crew. Les héros : Albane, Rémy, Pierre, Laitdbac, Damien, Fin De Siècle, Dom, FRKSE, Six Ton Armor, Etienne, Mich, Good Bye June, Jupiter, Pop-Up Urbain. Les défunts : HHC, Vulgar. L'amour. La famille. Les amis. Les artistes. Les artistes amis. Les gladiateurs. La presse qui répond aux mails. La presse qui ne répond pas aux mails (on vous aime quand même). Les blogs de cuisine en tant que ressources inépuisables pour nos jeux de mots associés aux concombres. Nicolas Cage. Le comté 41 mois. La Dia-Bro. Les brocs d'eau, quand il fait chaud. Les pichets de bière, par tous temps.

Mais surtout, de l'amour à toi et à ton crew pour cette interview.

Propos recueillis par : PierreTheM.
 
 
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